Encore une découverte exceptionnelle à Fosses : Un seau à eau bénite en céramique (ou « situle »), daté de la fin du XIIe siècle.
La campagne de fouilles menée en 2024 par la JPGF sur le site potier de Fosses dans le Val-d’Oise (95) a permis une découverte d’une grande rareté : un seau à eau bénite ou « situle » en céramique. Collecté dans une fosse-tessonnière datée de la fin du XIIe/début du XIIIe siècle, cet objet presque complet, enrichit notre connaissance des productions liées aux pratiques religieuses de l’époque.
Une pièce remarquable de la production de la Vallée de l’Ysieux
Cette situle en céramique en forme de panier mesure 216 mm de hauteur totale et 210 mm de diamètre. Elle présente des caractéristiques remarquables de par sa panse galbée et son décor, notamment au niveau des points de fixation de l’anse où l’on observe des mascarons (motif significatif dans l’artisanat médiéval) représentant deux têtes stylisées, positionnées tête-bêche. Son anse est creuse et perforée.
Les vestiges de deux paires d’attaches figurant de part et d’autre et d’un seul côté de l’anse et de part et d’autre sur une seule moitié du col, pourraient avoir constitué des arceaux qui soulèvent des hypothèses quant à leur fonction : étaient-ils destinés à suspendre le seau ou à retenir un aspergillum (goupillon) ?
Cette pièce, à l’état de biscuit, était très probablement appelée à être glaçurée et faisait l’objet d’une commande particulière : prieuré-cure de Fosses ou église d’un village voisin.
Le rôle liturgique de la situle
La situle est traditionnellement un petit récipient utilisé pour contenir de l’eau bénite.
Comme l’a souligné notre amie, l’archéologue Danièle Alexandre-Bidon spécialiste de l’iconographie médiévale, cet objet est souvent associé à certains rituels :
- Processions : Utilisée lors des marches religieuses pour bénir les récoltes, etc…
- Rites funéraires : Indispensable lors de la mise en terre, de l’inhumation ou des « anniversaires » (services commémoratifs) des défunts.
- Chambres de malades ou de mourants : On pouvait l’utiliser dans les demeures au moment du décès pour administrer l’eau bénite.
Par ailleurs, la situle est l’attribut traditionnel de sainte Marthe, (voir, entre autres, la statue de l’église sainte-Madeleine de Troyes).
Selon la légende, Marthe dompta la terrifiante Tarasque, un monstre ravageant la région de Tarascon vers l’an 48, en brandissant sa croix devant lui et en l’aspergeant de l’eau bénite contenue dans sa situle à l’aide de son aspergillum.
Un rare témoignage archéologique pour la région
A partir du Bas Moyen Âge, la grande majorité des exemplaires étaient fabriqués en métal. La situle en terre cuite, bien que rare, est attestée aux XIIe et XIIIe siècles. Cette découverte est d’autant plus précieuse qu’elle vient s’ajouter à quatre autres céramiques de ce type trouvées à Fosses par la JPGF et conservées par le Musée Archéa (1). L’un de ces quatre exemplaires se distingue par sa glaçure et sa décoration particulièrement soignée. (Voir l’ouvrage de référence note n° 2).
Cette découverte est un nouveau jalon essentiel pour documenter la variété de la production céramique dans la Vallée de l’Ysieux. Elle nous offre un aperçu concret d’une pratique religieuse courante au Moyen Âge, habituellement illustrée uniquement par les enluminures et les objets en métal. Elle témoigne également de la capacité des potiers de Fosses à produire non seulement des pièces d’usage courant, mais aussi des objets exceptionnels (1).
C’est une nouvelle preuve de leur grand savoir-faire depuis le Haut Moyen Âge jusqu’à la Renaissance.
Danièle Lambert
(1) Cette nouvelle découverte témoigne de l’extrême rareté de ce type de production : seulement cinq exemplaires ont été identifiés parmi les milliers de poteries plus ou moins fragmentées découvertes par la JPGF durant trente-sept années de recherches menées à Fosses et dans les villages voisins de la Vallée de l’Ysieux.
(2) GUADAGNIN Rémy – Fosses Vallée de l’Ysieux, mille ans de production céramique en Ile de France – Volume 2 : catalogue typo-chronologique de la production, CRAHAM -CNRS 2007. Atelier 10-21, XIIe siècle, p. 111-112 ; et Ateliers du 6e secteur de production XIIe et XIIIe siècles, p. 154 à 157, fig. 86 et 87.








