Vue générale du chantier de fouille
Fosses, village de potiers au Moyen Âge : campagnes 2023 et 2024
Du fait de son argile réputée, la vallée de l’Ysieux, de Marly-la-Ville à Luzarches, en passant par Fosses, est riche, durant tout le Moyen Âge, de ses sites potiers, dont certaines productions de qualité ont inondé le commerce du Nord du royaume de France. La JPGF, sous la direction de son Président Rémy Guadagnin, y mène depuis plus de 33 ans de nombreuses campagnes de fouilles. A Fosses, entre l’église paroissiale Saint-Etienne et l’école Alexandre Dumas, le secteur numéroté 10 concentre à lui seul une grande partie des recherches avec des ateliers successifs allant du Xe au XVIe siècle (voir les ouvrages « Fosses – Vallée de l’Ysieux » – volumes nos 1 et 2).
Atelier 10.40 (XIIIe siècle)
C’est dans ce secteur 10 que la campagne 2023 a été de nouveau fructueuse. Il s’agissait en priorité de découvrir l’ensemble de l’atelier produisant les céramiques destinées à leur cuisson dans le four numéroté 10.40, que l’on peut dater de la fin du XIIe et du milieu du XIIIe siècle. La fouille de 2011 avait mis en évidence la succession superposée de deux fours (un four B succédant au même emplacement à un four A endommagé et abandonné). La fouille de leurs tessonnières avait permis de reconstituer de nombreuses céramiques dont la partie déjà étudiée peut être admirée au musée Archéa à Louvres (voir le bilan annuel des recherches 2011).
Tours 1 et 2 et l’aire de piétinement (Atelier)
La fouille de 2023 a permis de mettre au jour la suite de cet atelier. Cela consista en la découverte de deux tours à bâton, de 1,15 m de diamètre et aussi la succession des deux phases (A et B) du four 10.40. A la base du tour n° 1 (phase A) une couche d’argile a livré en tout 9 morceaux de fils de cuivre, présentant presque tous à leur extrémité une boucle pour la poignée en bois. Pour le potier, ces fils permettaient de détacher la base d’une céramique une fois façonnée. La découverte d’une telle abondance de fils, cassés par inadvertance par le potier, démontre, comme l’épaisseur d’argile éclaboussée au fond, une longue durée d’utilisation dans la première moitié du XIIIe siècle. Le tour n° 2 (phase B), qui a une structure et une épaisseur d’argile identiques à celles du tour n° 1, a sans doute eu une durée d’utilisation aussi longue.
Bouteille
Cruchon
Moule d’un mascaron
Elément de sculpture (d’un chapiteau roman ?)
Dans l’argile des deux tours, c’est exclusivement dans les trous d’axe fixe que l’on a retrouvé des tessons de céramique. Dans les trous du tour n° 1, les tessons enserraient deux céramiques quasiment entières : une bouteille (sans anse) et un cruchon (photos). A la fin de l’utilisation du tour n° 1, le potier a déposé le petit moule en céramique d’un mascaron (photo), ainsi qu’un curieux fragment de sculpture (photo), reste d’un décor (de chapiteau ?) provenant probablement de la phase romane, maintenant disparue, de l’église Saint-Etienne.
Après l’utilisation des deux tours, plusieurs centaines de tessons de céramique ont été, toujours au XIIIe siècle, entassés et écrasés formant une aire piétinée. Au-dessus a été découverte une quantité importante de tessons ornés de flammules ou de belles glaçures polychromes, actuellement en cours de remontage, qui appartiennent à la seconde moitié du XIIIe siècle.
Pichet glaçuré en place
Pichet glaçuré
Outre ces tours à bâton, ont été retrouvés à proximité une aire de stockage et/ou de marchage d’argile et d’autres structures, dont des trous de poteaux, probablement en relation avec la structure abritant l’atelier de tournage. Au bord et au-dessus du tour n° 2, dans une structure horizontale en pierres, fut découvert un très beau pichet glaçuré (photos). Des silos, antérieurs (XIe siècle) ou contemporains de l’atelier, ont été également découverts dans ce secteur.
Des vestiges résiduels d’ateliers successifs (du XIe au XVIe siècle)
Bac de stockage d’argile
Au nord-est de l’atelier 10.40, nous avons découvert un grand nombre de structures. Certaines d’entre elles sont à mettre en relation avec les divers ateliers qui se sont succédés sur le site, en raison de la présence abondante de fragments rubéfiés de voûtes provenant de l’activité des fours, et aussi d’une grande quantité d’argile avec des fils en cuivre à détacher les fonds. D’autres structures argileuses étaient sans doute, après extraction de la rivière, des aires de pourrissage, marchage et stockage de l’argile.
Tonnelet-gourde
Au nord-est a été également fouillé un silo du XIe siècle dans le remplissage duquel ont été recueillis un grand nombre de graines et de macro-restes végétaux. De beaux tessons de céramique y ont été aussi retrouvés, de même que dans d’autres structures où fut en particulier découvert la forme complète d’un tonnelet- gourde (photo).
Fouille d’un silo
A la toute fin de la campagne (novembre 2023), après un décapage, vers le nord, de nouvelles structures y ont été repérées : silos successifs entrecoupés avec un remblai comportant en particulier un grand nombre de blocs de limon rubéfié provenant d’un bâtiment en torchis situé à proximité et démoli vers la fin du XIIIe siècle.
La campagne 2024 consistera à :
- Terminer la fouille des structures de l’atelier de tournage 10.40 autour des tours n° 1 et n° 2, repérer d’éventuels trous de poteau manquants et compléter le plan de l’infrastructure de l’atelier. Dans le même espace, finir la fouille des silos antérieurs.
- Dans le contexte d’un relief en pente, mieux mettre en évidence la succession, au XIIIe siècle, des deux espaces plats étagés en terrasses, l’un en bas, sur le côté Sud, comportant l’atelier de tournage du four 10.40, l’autre au dessus, au Nord, servant de réceptacle aux céramiques sorties du laboratoire de ces fours. Dans cette terrasse supérieure, il n’est pas impossible qu’existent quelques structures antérieures à l’activité du four : un silo y a déjà été repéré.
- Le programme d’aménagement de l’Archéosite / Musée prévoit le début des constructions à l’automne 2024. La JPGF devra donc abandonner le secteur pour laisser la place aux différents corps de métiers, et se consacrer à l’étude et la publication des données archéologiques et céramologiques.