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Au cœur du village, entre l’église Saint-Etienne et l’école Alexandre-Dumas, un grand terrain communal utilisé depuis le XVIIe siècle en pâture et verger de la ferme seigneuriale Le Tourneur, recèle les vestiges d’ateliers de potiers qui ont fonctionné in situ depuis le haut Moyen Âge jusqu’à la Renaissance.

Ces recherches ont révélé l’existence d’une importante manufacture de céramiques qui a fonctionné du XVe siècle jusqu’à la seconde moitié du XVIe, brutalement détruite par incendie et abandonnée alors qu’elle était à l’apogée de sa production. Les archéologues effectuent actuellement des recherches dans les archives pour établir un lien de cause à effet avec la Bataille de Saint-Denis (10 novembre 1567). En effet, l’armée des protestants, vaincue, a commis de nombreux ravages dans notre secteur lors de sa retraite vers le nord : destruction totale du village de Thiessonville, pillages et incendies d’églises, notamment à Sarcelles, Le Plessis-Gassot, etc.  L’incendie et la disparition de cette manufacture qui jouxtait l’église et le prieuré à cette date, constitue donc une hypothèse recevable.

entrée cave Fosses
Intérieur de la cave de Fosses

Les fouilles avaient également révélé l’existence de deux caves sous l’aile nord de ces bâtiments : la première, abandonnée et oblitérée par un grand four de potier construit au début du XVIe siècle avait été utilisée pour stocker de la matière première, comme le prouvent des couches d’argile piétinées retrouvées sur les marches et sur le sol, à l’entrée de la cave. Mais la fouille fut interrompue en 1996, pour des raisons de sécurité, faute d’un étayage des voûtes indispensable pour progresser dans le couloir (voir l’ouvrage cité en référence, volume 1, chapitre III, pages 208 à 211, et figures 112 à 118).Une autre cave fut repérée à huit mètres de la précédente vers l’ouest. Les deux escaliers étant de maçonnerie identique, parallèles et dirigés vers le nord, l’hypothèse d’un accès à la même cave après l’abandon de la première fut avancée. Mais la fouille fut également interrompue pour les mêmes raisons de sécurité.

 

Les découvertes de l’été 2021

Tesson de céramique de la cave de Fosses
Galerie de la cave de Fosses
Pendant de ceinture en argent

L’aménagement du terrain étant intégré dans le projet du “Centre d’interprétation de la céramique de Fosses-Vallée de l’Ysieux”, dont le début des travaux est prévu en 2022, une nouvelle campagne de fouilles programmée a commencé début juillet et se poursuit encore actuellement. Cette opération, effectuée par la JPGF, a déjà permis de mettre en évidence les vestiges des deux caves, de comprendre leur organisation spatiale et la chronologie de leur utilisation, depuis leur construction au Moyen Âge (XIIIe/XIVe siècles d’après plusieurs tessons résiduels) et leur abandon au XVIe siècle. La première, quasi totalement éboulée, a nécessité un important travail de déblaiement avant d’atteindre le sol d’origine. Son étude est réalisée par Francis Lesprit, vétéran de la JPGF qui a notamment à son actif la fouille de la cave gallo-romaine d’Hérivaux/Luzarches, la cave des Templiers à Gonesse et celle de l’Hôtel Dieu (voir les publications de la JPGF). La seconde, bien conservée, appartient à la catégorie des “caves à cellules latérales”. Elle se présente sous la forme d’une croix de lorraine, avec un long couloir central d’au moins douze mètres orienté vers le nord, dont l’extrémité n’a pas encore été atteinte. Sa fouille est effectuée par Danièle Lambert qui a été aidée cet été par une étudiante en archéologie et deux  jeunes Fossatussiens qui ont ainsi réalisé un stage de formation aux techniques de l’archéologie. Une des cellules latérales, fouillée intégralement, présentait des couches résiduelles d’argile sur le sol et dans les angles des murs, prouvant son utilisation pour stocker de la matière première au XVIe siècle. Les autres cellules latérales seront étudiées ultérieurement, quand les voûtes seront étayées et permettront de travailler en toute sécurité. Plusieurs milliers de fragments de poteries ont été jetés dans les caves après leur abandon : leur remontage et leur étude est actuellement en cours à la base archéologique. Il s’agit d’un bel ensemble de productions d’époque Renaissance, céramiques utilitaires en majorité, et  services de table glaçurés, avec quelques pièces exceptionnelles, qui enrichiront les collections du Musée Archéa, où sont déjà conservées et présentées les collections de poteries issues des anciennes campagnes de fouilles. A noter, la découverte d’accessoires vestimentaires et d’objets témoins de la vie quotidienne des potiers du XVIe siècle : fermoirs en bronze, boucles de ceintures et de chaussures, un très beau pendant de ceinture en argent, etc. retrouvés sur le sol et le comblement de l’escalier. Il est peu vraisemblable qu’ils aient été perdus, mais plutôt jetés avec des matières organiques (vêtements, tissus, cuirs, objets en vanneries ou en bois…) dans le comblement de la cave après l’incendie des bâtiments. La suite des fouilles permettra peut-être de retrouver d’autres éléments permettant de confirmer ou de valider un certain nombre d’hypothèses.

Rémy Guadagnin