Archéologie en Île de France –
1961 : naissance de l’association JPGF

Comme les 3 mousquetaires, les fondateurs de la JPGF étaient 4…

Lycée Paul Lapie à Courbevoie (92) – classe de 3ème, rentrée scolaire 1959 :

Gros Lapin, Schtaupe, Mérinos et Lucky Luke (15/16 ans) sympathisent et se reconnaissent une passion commune pour gratter par terre à la recherche de pierres, de minéraux et de fossiles. Virus attrapé à l’issue de la classe de 4ème où une collection de pierres « personnelle » et notée en fin d’année était obligatoire.
L’un d’eux, inscrit à la Société Amicale des Géologues Amateurs (SAGA) du Muséum d’Histoire Naturelle à Paris, fouillait les carrières le dimanche à la recherche de fossiles sous la direction de quelques « anciens » d’une quarantaine d’années. Ayant ainsi connaissance des « gisements » de la banlieue parisienne, la bande des 4 décida de faire les mêmes sorties le jeudi mais uniquement entre « jeunes ». Peu de temps après, quelques autres élèves de la classe puis du lycée se joignirent à eux.

Archéologie Ile de FrancePrivilège très exceptionnel pour l’époque, le Principal du lycée autorisa des réunions un samedi après-midi par mois et mit une salle de cours à notre disposition. Se retrouver une vingtaine, sans « prof », pour parler géologie du haut de l’estrade devant le tableau noir était particulièrement exaltant.

Certains parents étaient cependant inquiets : “Est-ce sérieux ? N’est-ce pas dangereux” ? Et les autorisations de visite dans les carrières étaient parfois difficiles à obtenir. Il fallait aussi trouver un peu d’argent, notamment pour faire un petit bulletin pour nous légitimer. Le mieux serait donc de créer une association et de nous présenter en son nom.
Mais pour une déclaration officielle il fallait des personnes majeures (21 ans alors !).  Ni les parents sollicités, ni un professeur, ni un représentant de l’administration n’acceptèrent de jouer le rôle de Président. Sans doute par crainte des responsabilités mais aussi des accidents avec ces jeunes enthousiastes qui escaladaient les carrières, creusaient n’importe où et descendaient même dans quelques grottes obscures peu fréquentées avec des cordes à nœuds et des casques des surplus de l’armée.

Peu importe : on Fonce ! Ce sera une association « non déclarée » mais avec des cartes de membres imprimées, du papier à en-tête, des convocations d’activités écrites, un petit bulletin sporadique réalisé au début sur une antique « machine à pâte », puis sur un duplicateur à alcool.

Restait à trouver comment s’appeler. Inspirés par la SAGA, nous pensons « les jeunes géologues amateurs ». Oui mais il y a maintenant aussi quelques amateurs de « silex »… Alors : « jeunes géologues et préhistoriens » ? Et puis, coup de génie en réunion : ça serait mieux « jeunes préhistoriens et géologues » ou plutôt « jeunes préhistoriques ». Ca rigole,… oh !
« Jeunesse Préhistorique et Géologique » mais comme on a deux ou trois correspondants en province, plein d’énergie et d’ambition, on ajoute « de France ». Ca fait J.P.G.F. et ça nous plait bien et certains de barrer avec des gros feutres de couleurs leur carte d’adhérent en bleu-blanc-rouge pour impressionner les interlocuteurs éventuels.
Il faut dire que « Jeunes Préhistoriques » présentait l’avantage qu’on ne nous oubliait pas facilement et que l’on nous accueillait même avec une certaine sympathie voire un amusement certain. Nous démarchions les sociétés minières et les grands groupes pétroliers pour obtenir aides et subventions, et pour la première assemblée générale on acceptait de nous prêter l’amphithéâtre prestigieux du Muséum d’Histoire Naturelle.

Généreux, « Esso » nous remit un chèque de 1000 frs (150 Euros environ) à l’ordre de « Jeunesse Préhistorique etc… ».
Joie, puis désolation… Impossible de toucher ce chèque barré, une association non déclarée ne pouvant ouvrir un compte bancaire !!!

Mais, au printemps 1960, une idée lumineuse et une chance inouïe allaient débloquer la situation : passer une petite annonce dans TINTIN, le journal des jeunes de 7 à 77 ans, pour multiplier le nombre de membres et trouver des correspondants en province. Quel succès !
Une avalanche de courrier, près de cent lettres et même des filles (en ces temps lointains les lycées n’étaient pas mixtes et pour beaucoup d’entre nous « les filles » représentaient un continent plus inconnu que ceux du tertiaire !) et surtout LA lettre d’un adulte d’une trentaine d’années, passionné de géologie et qui, n’ayant pas froid aux yeux, proposait immédiatement de prendre le relais pour les formalités et de constituer un « bureau » officiel légalement acceptable.

1961 : dépôt des statuts à la Préfecture de Paris et parution au journal officiel… la JPGF prenait son envol après une longue gestation. Fondation de sections régionales, chantiers de fouilles, conférences, expositions, présentations dans des lycées, camp de prospection en Auvergne, signalent le début d’une passionnante aventure. Le célèbre vulcanologue Haroun Tazieff acceptait la présidence du comité d’honneur : Esso, Shell, Total, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, le Conseil Général, le Conseil Municipal de Paris, le Ministère de la Jeunesse et des Sports et même Radio Luxembourg nous apportaient leur aide d’une manière ou d’une autre.

Plus tard, de nouveaux adhérents hyper compétents et motivés, surtout archéologues, prirent le relais et firent de la JPGF ce qu’elle est devenue aujourd’hui : un formidable outil pour la connaissance et la transmission du patrimoine archéologique animé avec toute l’ardeur et la passion du bénévolat.

Jean-Claude Girardot (dit “Lucky Luke”)